Tony Montana est CEO de Décathlon... - La GS #226
Rebranding de Decathlon, Impact-Led Research, segmentation des users, l'utilité d'un handbook, anti guide SEO et future du sport.
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Cette semaine, je suis rentré dans un Decathlon pour m’acheter un maillot de bain.
Cela faisait des années que je n’y avais plus mis les pieds, mais le réflexe est revenu immédiatement.
J’avais besoin d’un maillot de bain, sans trop d’exigences.
Je n’ai même pas essayé de chercher en ligne, alors que pourtant, quasi 100 % de mes achats se font comme ça.
J’ai juste cherché le Decathlon le plus proche sur Google Maps, c’est-à-dire, dans ma tête, le “supermarché du sport” le plus proche.
C’est l’image que j’en ai depuis tout petit. Pour moi, Decathlon n’est pas une marque de sport, c’est un distributeur.
Je me rappelle que quand j’étais au collège, j’avais même découpé la petite étiquette bleue “Decathlon” sur mon pantalon de survêt, parce que j’avais honte 😆
C’était comme avoir un pantalon “Carrefour”.
Forcément, le slogan ringard “À fond la forme” collait bien avec l’attribut d’accessibilité de l’enseigne du retailer discount, mais il n’était même pas mis une seconde en comparaison avec des “Just do it”.
Par la suite, l’enseigne a créé des marques distinctives justement pour séparer l’image de “supermarché du sport” des vraies marques de sport que sont : Domyos, Kipsta, Artengo, Quechua, B’Twin,…
Mais toutes ces marques n’ont jamais vraiment réussi à avoir une perception très différente.
Ha tiens…
Quand je suis entré dans le Decathlon, j’ai vu le nouveau logo.
Alors, j’avais bien sûr vu passer l’info l’année dernière sur le rebranding, sans vraiment y prêter attention.
Comme d’habitude, ça se moquait d’eux sur Twitter, les syndicats de Decathlon se plaignaient d’un nouveau logo inutile qui avait coûté 2 millions.
Jusque-là, rien de nouveau.
En rentrant chez moi, j’ai creusé un peu ce rebranding.
J’ai découvert que ce que je pensais être juste une petite modernisation était en réalité un mouv’ hyper ambitieux et audacieux.
Decathlon est parti à la conquête du monde, purement et simplement, et veut “le monde chico, et tout ce qu’il y a dedans”, à la Tony Montana dans Scarface.
Laissez moi vous expliquer ça.
1️⃣ Concrètement, qu'est-ce qui change ?
D’un point de vue design :
Quasiment pas de changement sur la police historique du “Decathlon”.
Un bleu plus moderne, vibrant ET numérique.
Un pictogramme qui apporte une identité plus forte (qui n’existait pas avant).
Une cohérence graphique globale renforcée avec l’orbite, qui pourra être présente sur tous les produits et points de contact, ainsi que les nouvelles typographies.
Pour une analyse en détail, voyez cette vidéo de Basti sans MS, qui a justement travaillé à Decathlon 🇫🇷👇
A première vue, il y a pas mal de similitudes avec le rebranding de Walmart que j’ai analysé dans cette édition.
La volonté d’abord de garder son identité historique, de “moderniser sans perturber”, d’avoir une marque plus forte, et de s’éloigner de l’image du retail physique pour adopter la transformation digitale du secteur.
Ce n’est pas tout, Decathlon, à priori, semble aussi vouloir rehausser sa valeur perçue et s’éloigner de la perception “entrée de gamme”.
Je ne suis pas vraiment d’accord avec ce point de vue, qui semble être partagé.
Est-ce que c’est vraiment une question de changement de positionnement ?
2️⃣ De cheap à premium (?)
Depuis toujours, les dénominateurs communs de toutes les marques présentes à Decathlon, en termes de branding, étaient les attributs Accessibilité et Technique.
Le problème avec cela, c’est que l’achat d’une des marques Decathlon se prêtait très bien à la découverte d’un sport, mais dès qu’on commençait à approfondir une discipline, on ressentait le besoin d’aller vers des marques plus techniques.
Les marques Decathlon, aussi techniques soient-elles, gardaient l’image du débutant.
Cela signifie que pour maintenir l’ambition de devenir la marque de référence pour l’équipement sportif, il fallait trouver un moyen de toucher aussi les sportifs plus confirmés.
Désormais, vous pouvez acheter un vélo Decathlon à 9 000 euros.
Decathlon ne devient pas plus premium, car l’entrée de gamme existera toujours, mais elle ouvre la perception que l’on a de la marque pour nous faire accepter une gamme plus large, de l’entrée de gamme jusqu’au premium.
Elle veut faire partie de toute notre vie sportive.
3️⃣ Problème du modèle “House of brand”
L’histoire de l’enseigne de ce “supermarché du sport” et le développement de toutes les marques satellites correspondaient à la stratégie initiale.
Decathlon étant une marque retailer, l’idée était de devenir le hub sportif et, en même temps qu’on vend du Nike, de placer ses propres marques en entrée de gamme.
Certaines ont rencontré le succès, d’autres pas du tout, mais c’est cette stratégie du volume qui a permis de trouver les produits et marques gagnants.
En 2020, Decathlon comptait plus de 80 marques propres, chacune dédiée à une discipline sportive spécifique, avec l'ambition d'atteindre la centaine.
Cette stratégie a donné naissance, par design, à un modèle de Brand Architecture similaire au modèle House of Brands, où une entreprise possède plusieurs marques distinctes et autonomes.
Par exemple, Unilever.
D’un point de vue branding, Decathlon ne correspondait pas à 100 % à ce modèle, car l’enseigne avait clairement une influence sur la décision d’achat des marques affiliées.
Surtout que ces marques ne sont trouvables nulle part ailleurs.
Ces derniers mois, Decathlon opère une transformation majeure de sa stratégie de marque en réduisant l’écosystème à seulement 13 marques et en les rapprochant un peu plus de la marque principale.
Premièrement, avec ce rebranding, Decathlon évolue davantage vers un modèle Endorsed Brands, où la marque principale Decathlon devient plus visible (avec le pictogramme) et soutient ses sous-marques.
Donc, cela tend plus vers le système Marriott.
Cette stratégie offre plusieurs avantages :
Utiliser le capital de marque existant de Decathlon et des marques historiques.
Permettre de concentrer les investissements marketing sur une marque principale et ne pas disperser les efforts.
Clarifier l'offre pour les consommateurs.
Renforcer l'attribution de la valeur à la marque Decathlon.
Pour en savoir plus sur les Brand Architectures, consultez cette vidéo 🇬🇧👇
4️⃣ Say Hello to my little friend…
Decathlon se met donc en ordre de bataille pour partir en guerre.
La marque revoit son branding pour être la plus puissante possible, avec l’ambition de devenir le véritable hub international, physique et en ligne, dès qu’il est question de sport, pour tous les niveaux.
Et pour articuler tout ça et pousser l’ambition au max, elle nous sort le big gun “mission sociétale”.
La brand Story est très claire :
WHY
Chez Decathlon, nous sommes convaincus que le sport a un rôle essentiel à jouer pour aider les sociétés à être en meilleure forme, et plus heureuses. Le sport nous aide à nous reconnecter à notre humanité, à la planète, et à notre corps.
HOW
Move People Through the Wonders of Sport" (Faire bouger l'Humanité grâce à la magie du sport).
WHAT
En gros : ils ne veulent plus être le "Carrefour du sport" mais LA marque mondiale de sport accessible.
5️⃣ Changement de catégorie marketing
Jusque-là, la marque Decathlon était en concurrence avec Intersport, Go Sport et compagnie.
Ce rebranding est en réalité un changement de catégorie marketing pur et simple.
La catégorie dans laquelle une audience regroupe inconsciemment les marques proposant un même type de produit ou service.
Et dans cette nouvelle catégorie, les nouveaux concurrents sont Nike et Adidas.
La marque change donc complètement de référentiel et s’intègre dans un tout nouveau mapping concurrentiel : désormais, Decathlon doit concurrencer “Just do it”.
Avec son slogan « Ready to play? », la marque s’oppose clairement aux marques qui vendent un statut, qui glorifient la performance et flattent la fibre du compétiteur en choisissant uniquement les meilleurs ambassadeurs, de Mbappé à LeBron James.
Decathlon a choisi Antoine Griezmann, plus accessible, familial et authentique, qui aime plusieurs sports mais possède tout de même une renommée internationale.
On devine donc les deux attributs qui ont été choisis pour se positionner sur ce nouveau mapping concurrentiel.
6️⃣ Own the demand
L’ultime switch stratégique de Decathlon s’effectue autour d’un concept populaire dans la silicon valley “Own the demand” (posséder la demande).
La réussite de boîtes comme Uber ou Airbnb s’explique par l’importance de posséder la demande plutôt que l’offre.
Jusque-là, Decathlon contrôlait entièrement la production et la distribution de ses produits, ce qui la plaçait plutôt dans une logique “Own the supply”.
Mais à l'ère digitale, cette approche est dépassée.
Ce qu’a compris Decathlon, c’est que la maîtrise des points de contact avec le client est désormais la vraie source de pouvoir. Avec son réseau de 1 700 magasins physiques, couplé à une expérience digitale repensée, Decathlon dispose d’un avantage concurrentiel que même Nike et Adidas peinent à égaler : une omnicanalité native.
Comment, concrètement, Decathlon "Own the demand" désormais ?
Une marque unique : capter et fidéliser les consommateurs à travers sa marque, et non plus seulement grâce à son offre produit.
La transformation des magasins en hubs d’expérience : les nouveaux parcours "balade" à la Ikea (la nouvelle CEO est une ancienne de la marque suédoise), les ateliers de réparation, les zones d’essai et de démonstration font des magasins bien plus que de simples points de vente – ils deviennent des centres communautaires du sport.
Le contrôle complet du parcours client : du mobile au magasin, du site web aux réseaux sociaux et autres applications mobiles gratuites de suivi de performance, Decathlon veut être présent à chaque moment de la vie sportive de ses clients, sans intermédiaire.
L’écosystème de services plutôt que les produits seuls : location d’équipements, seconde main, ateliers de réparation – Decathlon tisse une toile de services qui rend le client dépendant de son écosystème, et pas uniquement de ses produits.
Contrairement à Amazon, qui n'a pas de "temple" dédié au sport, ou à Nike, qui dépend encore largement de distributeurs tiers, Decathlon possède l'avantage unique de maîtriser à la fois le physique et le digital. C'est comme si Google avait réussi à contrôler chaque couche entre lui et l'utilisateur – du navigateur jusqu'à l'infrastructure physique.
En résumé, Decathlon ne cherche plus à être le meilleur fabricant ou le meilleur distributeur – il veut être l'incontournable interface entre le sportif et sa pratique.
C’est “own the demand”, et c’est un sacré mouv’ de gangster.
On a donc maintenant une vraie marque qui a l’intention, non pas de juste jouer dans la cour des grands, mais de se les faire.
Elle a compris que sans le pouvoir émotionnel du branding et la désirabilité d’une seule marque, ce n’était pas possible.
L'ambition est gigantesque : “The world is mine”, et peu d'entreprises ont réussi à changer aussi radicalement de catégorie.
Le temps nous dira si Tony Montana réussira à conquérir le monde ou pas.
En attendant, c’est culotté, mais bien joué 👍
📣 Comment construire une marque qui sort du lot ?
C’est la question à laquelle j’ai essayé de répondre pendant des années.
J’ai testé toutes les méthodes de branding existantes, lu tous les livres sur le sujet et expérimenté sans relâche...
Pour formaliser tout cela, j’ai créé une Masterclass Branding dans laquelle je retrace ce parcours initiatique. J’y explique ce qu’il y a de bénéfique dans chaque méthode, comment éviter les pièges que j’ai rencontrés, et ce qui est réellement important pour bâtir une stratégie de marque (vraiment) efficace et différenciante.
🔬 User Research carrée
Roxane Lacotte est coach en Impact-Led Research, son taff, c’est d’aider les équipes Produit à avoir une approche structurée et efficace de la User Research.
Bon, je ne le rappellerai jamais assez, mais la User Research ne devrait pas être exclusivement un truc Product. Comprendre ses utilisateurs en profondeur, cela devrait être la base en Growth Marketing et en Branding.
Elle propose son template mis à jour de cadrage de User Research sur Miroverse, accompagné de l’exemple de Slack.
Cela ne va pas jusqu’à évoquer l’organisation de la recherche quantitative et qualitative, mais cela a le mérite de s’attarder sur tout ce qui est en amont et qu’on pourrait négliger sans méthode.
Un framework solide sur la définition des hypothèses, la priorisation, et le fait que chaque insight mène à des décisions significatives.
Comme ça, on évite de se lancer dans des interviews comme on va à la pêche, sans objectifs précis.
Cliques sur l’image pour y accéder 🇬🇧👇
🤓 Dans la rubrique "Pêle-mêle"
Excellent article sur l’importance de la segmentation fine des users pour les business en abonnement. Freemium Loyalists, Prospective Premium Users, Active Subscribers, At-Risk & Churned Subscribers, Product Champions… Le but : maximiser la valeur perçue de l’abonnement tout au long du parcours utilisateur.
Duolingo vient de publier son Handbook pour expliquer sa culture. Un super outil de recrutement, de branding, bien sûr, et de positionnement stratégique pour asseoir son leadership dans l’éducation digitale.
10 conseils SEO que vous ne trouverez pas dans les “guides ultimes SEO 101”. C’est simple, pas sexy et parfois contre-intuitif, mais on est sur du concret.
Je confirme pour l’astuce de la requête sans volume mais avec 0 concurrence 🤓
Comment un match de foot de YouTubers qui jouent très mal peut-il avoir plus de spectateurs qu’un match de professionnels qui jouent très bien ?
C’est juste les prémices du futur du sport.
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Keep it curieux ! 🤓
— Yann
Super analyse de Decathlon, c'est là qu'on se rend compte de l'importance de définir dans quelle catégorie "on joue" et on est "perçu" pour savoir qui sont nos vrais concurrents. La stratégie de Decathlon d'investir sur des app d'expérience sportives (Decathlon Outdoor, Pacer ou Decathlon Coach) qui ont pour vocation de pousser à la pratique sportive renforce encore plus ce que tu dis sur la volonté de la marque à être l'incontournable entre le sportif et sa pratique - bien au-delà de "juste" l'achat de produit de sport.
Super intéressant (comme à chaque fois, j'ai envie de dire) !