đ§ On me dit quâil y a des Blancs dans la salleâŠ- La GS #236
Communauté marketing, Claude ou Chat GPT ?, les 4P de l'ICP, 3 types d'utilisateurs, Wow effect de standup, et Pré-branding.
NB : Qui a la ref du titre ?
Cette semaine, Jâai vu passer une polĂ©mique sur lâhumoriste Mustapha El Atrassi.
Il vient de se lancer sur TikTok, et met donc des extraits de spectacle, c'est la technique du moment, qui marche trĂšs bien et qui permet de remplir les salles en continu sans avoir besoin d'autres relais ou passages radio/tv.
Sauf qu'un de ces extraits n'est pas passĂ© inaperçu đ
Sur la forme câest acadĂ©mique, il fait mine de partir sur un sujet trĂšs sĂ©rieux dâunitĂ© entre Maroc et AlgĂ©rie, pour finalement crĂ©er un effet de dĂ©calage inattendu sur la fin de la phrase.
Sur le fond câest un clivage humoristique entre MaghrĂ©bins et "Français" en utilisant le terme "Gwer". Terme qui est souvent utilisĂ© de façon pĂ©jorative par les MaghrĂ©bins, tout comme âKhelâ ou âKahlouchâ pour parler des noirs.
Dans cette période de tension, sont donc montés au créneau les Pascal Praud et autres Marion Maréchal pour dénoncer le racisme anti-blanc, sur fond d'islamisation. Je schématise, mais vous avez l'idée globale.
Marché du standup et Product Market Fit
Il s'avÚre que je suis un gros fan de standup, et que je connais bien l'offre du marché US et FR depuis trÚs longtemps. On peut dire que je suis un petit connaisseur quoi.
Je connais donc bien Mustapha El Atrassi, jâai vu tous ses spectacles.
Ce quâil faut savoir, câest quâon ne peut pas sâintĂ©resser au standup français sans reconnaitre objectivement son talent et sa science de la mĂ©canique humoristique.
Yann Piette en parlait un peu dans une vidĂ©o đ
L'Ă©volution du positionnement du produit "El Atrassi" est extrĂȘmement intĂ©ressante car il reprĂ©sente trĂšs bien une tendance sociĂ©tale de fond qui a un impact Ă©norme sur la consommation et donc sur les stratĂ©gies marketing de façon gĂ©nĂ©rale.
Je vous explique đ
La carriĂšre de Mustapha El Atrassi commence dans les annĂ©es 00 sous l'aile de Laurent Ruquier, il est de toutes ses Ă©missions, que ce soit dans "On va s'gĂȘner" sur Europe 1, "On a tout essayĂ©" et "On n'est pas couchĂ©" sur France 2. S'ensuit Canal+, et son propre talk-show sur ComĂ©die.
Bref une présence dans le monde médiatique traditionnel mainstream objectivement pas trÚs drÎle pour le coup, et des spectacles tout aussi policés avec des sketchs sur les pigeons ou les télécommandes, ne relevant pas non plus du génie humoristique.
Bien implanté dans le réseau médiatique, c'est typiquement le genre d'humoriste qui était en perfusion par les médias traditionnels et leur exposition. On ne peut pas dire qu'il y avait un vrai Product Market Fit, car il y avait l'intention de plaire à tout le monde.
Résultat, il ne plaisait vraiment à personne.
Si du jour au lendemain il n'était plus présent sur les plateaux, vraisemblablement plus personne ne serait venu à ses spectacles.
Un peu comme une marque qui paierait constamment de la pub avec objectif court terme de conversion sans n'avoir ni Retention, ni Referral.
Un puis dans les annĂ©es 10âŠ
Il décide de laisser son rond de serviette pas trÚs satisfaisant (on peut supposer) pour trouver un nouveau souffle, reposer les bases. Il part alors à Los Angeles tenter l'aventure américaine, le premier français (établi) à faire ça.
Et je pense que c'est le tournant de sa carriĂšre.
Aux Ătats-Unis, il s'inspire Ă©normĂ©ment du marchĂ© US et de ce qui marche lĂ -bas. Je me rappelle d'un spectacle oĂč il tapait son micro sur sa cuisse, mimĂ©tisme flagrant de Dave Chappelle.
Aussi, comme on peut le voir dans la vidĂ©o ci-dessus đ, pour introduire son personnage auprĂšs des AmĂ©ricains, il se met Ă jouer la carte du "musulman", chose qu'il ne faisait pas du tout en France.
Répondant à ce qui fonctionne là -bas.
C'est encore plus flagrant aujourd'hui sur Netflix, chaque communauté ou sous-communauté a ses humoristes.
Les Italiens ont Sebastian Maniscalco, les Chinois ont Ronny Chieng, Ali Wong reprĂ©sente les Asiatiques de Californie, John Leguizamo et George Lopez pour les Latinos, Sarah Silverman va parler des Juifs, Hasan Minhaj c'est les Pakistanais et Indiens musulmans, etcâŠ
La mécanique commune : parler des stéréotypes de leurs cultures, bons ou mauvais, en l'opposant systématiquement aux "autres", c'est-à -dire la majorité WASP.
Un mélange d'autocritique et d'auto-flatterie communautaire du genre "chez nous, on ne fait pas ça", le tout étant évidemment trÚs fédérateur.
Chaque humoriste devient un peu le champion d'une communauté.
Et ça ne date pas d'hier, dĂ©jĂ Chris Rock et Dave Chappelle il y a 20 ans faisaient des sketches oĂč ils se moquaient de la diffĂ©rence de comportement entre les blancs et les noirs, en imitant des voix de "blancs".
Ce nâest pas vraiment du racisme, bien que je comprends que ça puisse ĂȘtre perçu comme tel, mais plus une forme de dĂ©magogie, indĂ©pendante de la drĂŽlerie ou non des blagues dâailleurs. Il faut bien faire la diffĂ©rence.
Pourquoi ça marche ?
La consommation de tout produit et donc de stand-up, fonctionne comme un mécanisme d'extension du soi.
Une thĂ©orie trĂšs bien creusĂ© dans lâĂ©tude âPossessions and the Extended Selfâ par Russell Belk, universitaire amĂ©ricain, spĂ©cialisĂ© dans la sociologie de la consommation.
Les individus utilisent leurs choix d'achat pour construire un systÚme sémiotique complexe d'expression identitaire, oscillant entre trois dimensions du soi :
le soi perçu (comment l'individu se voit)
le soi vitrine (comment il pense ĂȘtre perçu)
le soi idĂ©al (comment il souhaiterait ĂȘtre perçu).
La théorie de l'identité sociale de Tajfel et Turner révÚle que ce processus s'enracine dans des mécanismes cognitifs profonds.
Les individus cherchent naturellement à améliorer leur estime de soi en valorisant leur groupe d'appartenance à travers trois processus :
La catégorisation sociale : classification des individus en groupes.
L'identification sociale : adoption de l'identité du groupe.
La comparaison sociale : Ă©valuation positive de l'endogroupe versus l'exogroupe đ
Vous avez reconnu la mĂ©canique naturelle exploitĂ©e dans le stand-up amĂ©ricain, et donc par Mustapha El Atrassi dans les extraits qui lui sont reprochĂ©s : cela repose sur cette puissante mĂ©canique de lâengagement :
âĄïž US VS Them (nous contre eux)
Le come back en France
Relançant sa carriĂšre en France vers 2015, Mustapha El Atrassi dĂ©cide de devenir indĂ©pendant et de sâautoproduire.
Donc il nây aura plus de perfusion possible, il faudra plaire (vraiment) Ă un public.
Le ton est donnĂ© par le nom de sa boĂźte de prod : âChicha Productionâ.
On aura dĂšs lors des spectacles plus intimistes, Ă lâhumour noir sans filtre, pour briser son image âLaurent Ruquierâ de biensĂ©ance tĂ©lĂ©visuelle, qui lui collait Ă la peau.
Donc objectif numero 1 : sâĂ©loigner du positionnement initial
BrĂ»ler les ponts avec lâancien Mustapha El Atrassi, en Ă©tant hardcore comme il ne lâavait jamais Ă©tĂ©, et amener des sujets et des rĂ©fĂ©rences culturelles hyper prĂ©cises autour des citĂ©s et de la communautĂ© maghrĂ©bine, mais en mode trash.
âĄïž Product Market Fit
Ses salles se remplissent dâun public hyper-engagĂ©, qui ne vient pas juste voir un spectacle, mais vivre une expĂ©rience identitaire, un peu transgressive, portĂ©e par un âUs VS Themâ inĂ©dit en France.
Au fur et Ă mesure des spectacles, il y aura de plus en plus de mots, voire de passages entiers en arabe.
Et lĂ , on a beau avoir un petit vocabulaire de base, si lâon ne fait pas partie des âUsâ, cela devient compliquĂ© pour lâexogroupe, et pas que pour les blancs dâailleurs.
Renforçant le sentiment dâappartenance Ă lâendogroupe pour le public cible.
Lâextrait en question ne sâest pas retrouvĂ© sur TikTok par hasard, câest un choix Ă©ditorial dĂ©libĂ©rĂ©.
On a donc lĂ sous les yeux un cas de Niching down classique.
Une segmentation dans la segmentation, rendant le product-market fit encore plus puissant.
Il a mĂȘme Ă©tĂ© jusquâĂ se moquer sĂ©vĂšrement des Tunisiens, poussant la segmentation jusquâĂ lâabsurde⊠Mais en mĂȘme temps, cela faisait un peu plaisir aux autres đ€«.
En fait, que ce soit dans la tech, la musique, le stand-up, etc., les Ătats-Unis ont toujours dix ans dâavance (voire plus) sur la France.
Mustapha El Atrassi a simplement importĂ© ce qui marche aux Ătats-Unis depuis vingt ans, dans un marchĂ© français qui nâosait pas encore.
Lui dira sĂ»rement quâil sâagit juste dâune dĂ©marche plus authentique, quâil nây a rien de calculĂ©. Moi, de mon cĂŽtĂ©, je sais reconnaĂźtre du marketing quand jâen vois.
Les dynamiques identitaires amplifiés par les algos
La polarisation sociale s'amplifie à travers les "bulles de filtre" algorithmiques, qui enferment les individus dans des espaces informationnels et de consommation de contenu séparés.
Pierre-André Taguieff identifie des formes de "sociocentrisme" conduisant à la fermeture communautaire et à l'affaiblissement des liens sociaux transversaux.
Pour moi, il sâagit lĂ dâune dynamique logique, rĂ©sultant du marketing de la segmentation, visant Ă toujours mieux servir les diffĂ©rentes niches dans leur auto-satisfaction.
LâidentitĂ© ethnique est une segmentation, tout comme lâidentitĂ© sexuelle, culturelle, etc. Et tout converge vers le renforcement de ces identitĂ©s.
Dans ce contexte, les bulles sâopposent, et la polĂ©mique vient renforcer les antagonismes.
Ce petit âscandaleâ est objectivement positif dâun point de vue business.
Il nây a pas mieux pour renforcer lâengagement de lâendogroupe, que lorsquâun exogroupe lâattaque.
Ă emporter
L'affaire El Atrassi révÚle trois tendances de fond :
1. L'américanisation de la société française
Les mécaniques sociologiques qui marchent aux USA arrivent en France avec des années de retard. El Atrassi est juste en avance sur cette vague.
2. La fin du marketing "pour tous"
Câest dĂ©sormais un incontournable, dans un monde fragmentĂ©, vouloir plaire Ă tout le monde = ne plaire Ă personne. Les marques qui rĂ©ussiront demain sont celles qui assument leur positionnement.
3. La montée du marketing tribal
Nous entrons dans l'Ăšre des "nĂ©o-tribus" (Michel Maffesoli) oĂč le lien Ă©motionnel prime sur la transaction, et lâantagonisme est un super moteur.
Dans ce nouveau monde marketing, et câest surement ce que pense aussi Mustapha El Atrassi, mieux vaut ĂȘtre dĂ©testĂ© par beaucoup qu'ignorĂ© par tous.
La question n'est pas de savoir si c'est bien ou mal.
La vraie question est : ĂȘtes vous prĂȘt pour cette nouvelle donne ?
đŁ Comment construire une marque qui sort du lot ?
Câest la question Ă laquelle jâai essayĂ© de rĂ©pondre pendant des annĂ©es.
Jâai testĂ© toutes les mĂ©thodes de branding existantes, lu tous les livres sur le sujet et expĂ©rimentĂ© sans relĂąche...
Pour formaliser tout cela, jâai créé une Masterclass Branding dans laquelle je retrace ce parcours initiatique. Jây explique ce quâil y a de bĂ©nĂ©fique dans chaque mĂ©thode, comment Ă©viter les piĂšges que jâai rencontrĂ©s, et ce qui est rĂ©ellement important pour bĂątir une stratĂ©gie de marque (vraiment) efficace et diffĂ©renciante.
đ€ Dans la rubrique "PĂȘle-mĂȘle"
Faut-il utiliser Claude ou ChatGPT pour vous assister dans vos stratĂ©gies marketing et lâanalyse de campagnes pub ?
Pour moi, câest Claude.
Mais cet article propose une analyse complĂšte des pour et des contre en fonction des besoins. GOLD.
âĄïž Voir lâarticle
On connaissait les 4P du marketing (Product, Price, Place, Promotion), voilà les 4P du blog First Round qui nous propose un guide complet pour définir son ICP (Person, Problem, Promise, Product). Les exemples de startups donnés sont pas mal.
âĄïž Voir lâarticle
Il existe 3 types de clients/utilisateurs :
Newbies : nouveaux utilisateurs, Ă convaincre de revenir.
Students : utilisateurs réguliers mais pas encore fidÚles.
Experts : utilisateurs fréquents, fidÚles, intégrés dans leur routine.
Ces segments ont des attentes, des comportements et des besoins différents. A considérer sérieusement pour adapter votre stratégie.
âĄïž Voir lâarticle
DĂ©cortiquer une blague dâun stand-upper comme Mustapha El Atrassi, ou de ses modĂšles amĂ©ricains comme Dave Chappelle, Louis C.K., etc., est toujours une vraie leçon de copywriting et de storytelling.
Câest trĂšs structurĂ© et complĂštement thĂ©orisĂ© : ces mecs-lĂ ne font rien au hasard.
Voyez-vous mĂȘme đŹđ§đ
đ
Jây vais ou pas
Vous avez sĂ»rement dĂ©jĂ entendu le tube un peu funky âNespressoâ de Sabrina Carpenter. Câest sympatoche, mais jâai Ă©tĂ© surpris de voir le culte quâelle avait rĂ©ussi Ă crĂ©er en si peu de temps.
Surpris de voir que les marques misaient beaucoup sur elle et sur ce quâelle reprĂ©sentait, dĂ©jĂ aprĂšs juste un an dâexistence publique.
Bien Ă©videmment, la raison de cet engagement nâest pas juste musicale ; jâose mĂȘme dire que la musique est secondaire.
Ce qui crĂ©e le vrai intĂ©rĂȘt autour dâelle, câest son branding.
Et câest Ă©trange, car on a lâimpression quâil Ă©tait dĂ©jĂ construit avant mĂȘme quâelle se lance.
Le genre dâexemple qui intimide beaucoup de gens.
Des gens qui se disent quâil ne faut rien sortir tant quâon nâa pas une stratĂ©gie parfaite.
De lâautre cĂŽtĂ©, on trouve ceux qui, trouvant trop difficile de dĂ©finir une stratĂ©gie de branding dĂšs le dĂ©part, se disent : âOn fera du branding plus tard.â
Et perdent lâopportunitĂ© de trouver un public.
Dans les deux cas, câest une erreur : le branding est quelque chose dâĂ©volutif.
On nâa pas besoin dâĂȘtre âfiniâ pour construire une marque personnelle forte : un prĂ©-branding.
En rĂ©alitĂ©, les marques les plus puissantes se construisent pendant lâĂ©volution, pas aprĂšs.
Câest le propos de cette vidĂ©o, qui prend plein de chanteuses et leurs Ă©volutions en exemples.
Cliquez sur lâimage pour en savoir plus đŹđ§ âŹïž
Keep it curieux ! đ€
â Yann
Hùte qu'on réalise enfin que se "nicher" est la clé - et pas qu'en B2C !